Les acronymes, ça me sauve la vie.
Bon, j’exagère, mais c’est quand même vraiment pratique. 😅
« LOL » pour démontrer que je fais une blague ou que je suis crampée, « ASAP » pour signaler que quelque chose est urgent, « DIY » pour mes recherches sur YouTube…
Mais il y a un acronyme qui, bien que moins connu, est super important. Tu vois où je veux en venir ?
Eh oui, je parle bien du TDL, qui signifie « trouble développemental du langage ».
D’ailleurs, chaque année, une semaine spéciale est réservée pour sensibiliser les gens au TDL. C’est la « Semaine québécoise du trouble développemental du langage », et peut-être que tu en as entendu parler… Ou peut-être pas non plus, parce que comme je disais, le TDL n’est malheureusement pas assez connu.
Tout ça pour dire que, quand j’ai enregistré l’épisode 78, la Semaine québécoise du TDL (en 2023, c’était du 20 au 27 octobre) approchait à grands pas.
J’ai donc décidé d’en profiter pour enregistrer un épisode de podcast sur le TDL et sur les nombreux défis qui y sont associés.
(Et oui, dans ce texte, je vais surtout utiliser l’acronyme « TDL ». 😉)
Le TDL, c’est un trouble qui se caractérise par des difficultés langagières liées à l’expression et à la compréhension.
Pour qu’une conclusion orthophonique de TDL soit posée, les difficultés doivent (entre autres) :
Aussi, c’est important de savoir que le TDL n’est pas lié à d’autres conditions biomédicales, comme des syndromes, une déficience intellectuelle, le trouble du spectre de l’autisme (TSA), ou des accidents (ex. un traumatisme crânien).
Donc, tu ne peux pas dire : « depuis que mon enfant a fait sa commotion, je suis sûre qu’il a un TDL ! 🤕 ».
Un TDL, ça ne s’attrape pas comme une grippe, et ça ne part pas du jour au lendemain non plus.
Non ! Ce serait comme dire que toutes les personnes qui font de l’anxiété ont les mêmes symptômes, ou que tous les enfants bègues bloquent sur les mêmes mots !
La réalité de la chose est que chaque personne qui vit avec un TDL est différente.
Le langage comporte plusieurs aspects, et chaque personne vivant avec un TDL a des atteintes différentes.
Pour t’aider à mieux comprendre, je vais t’expliquer les 2 sphères principales du langage : la compréhension (le langage réceptif) et l’expression (le langage expressif).
Le langage réceptif, ça concerne la capacité d’une personne à comprendre et à interpréter le langage verbal.
Que tu sois en train d’écouter un TED Talk sur l’anxiété, de lire une aventure d’Arsène Lupin ou de regarder un épisode de Friends, ton langage réceptif est sollicité. C’est grâce à lui que tu arrives à saisir des informations, à suivre des conversations, et à répondre de manière appropriée quand quelqu’un te parle.
Mais malheureusement, pour les personnes vivant avec le TDL, le langage réceptif peut être sous-développé.
Concrètement, qu’est-ce que ça veut dire ? 🤔
Voici 7 exemples de difficultés que ces personnes peuvent connaître :
Pour une personne vivant avec le TDL, une phrase comme « c’est la fille qui est suivie par le garçon » peut être pas mal plus difficile à comprendre qu’une phrase plus simple, comme « le garçon marche derrière la fille ». Ça veut dire la même chose, mais le niveau de complexité est différent !
Le TDL peut rendre la compréhension de mots qu’on utilise rarement dans la vie de tous les jours plus difficile (ex. les mots « éphémère » ou « énigmatique »).
Quand on vit avec le TDL, développer notre vocabulaire peut être un réel défi. Par exemple, un élève du secondaire qui vit avec le TDL pourrait avoir plus de difficulté que ses pairs à comprendre le sens du mot « photosynthèse » et à bien l’intégrer à son vocabulaire.
Une personne qui vit avec le TDL peut avoir de la difficulté à comprendre des subtilités du sens des mots, surtout en ce qui concerne les concepts abstraits. Par exemple, pour cette personne, saisir toutes les nuances de mots comme « ironique », « ambigu », « espoir », « infini » et « probabilité » (des mots qui ne se dessinent pas vraiment), ça peut être très complexe.
Le TDL peut rendre les concepts spatiaux (ex. « derrière », « sous », « à côté de ») et les notions temporelles (ex. « d’abord », « ensuite », « lendemain ») plus difficiles à comprendre pour la personne concernée.
Une personne vivant avec le TDL peut avoir plus de misère à comprendre et à suivre des instructions complexes qui impliquent plusieurs étapes.
Par exemple, imagine que tu donnes cette consigne à Camille, ta fille de 10 ans qui a des difficultés au niveau du langage réceptif : « Camille, pourrais-tu nous faire une salade de fruits avec des fraises, des bananes, des pommes et des raisins stp ? Tu peux utiliser ce qui reste du jus d’orange au frigo. »
Pour un autre enfant de son âge, cette consigne serait peut-être accompagnée d’un soupir exaspéré et d’un « Maman, ça ne me tente pas ! 🙄 », mais pas parce que la tâche est trop difficile. En fait, la tâche en tant que telle n’est pas hors de la portée de Camille non plus, mais la façon de lui expliquer n’était peut-être pas la meilleure…
Quand on présente une instruction complexe à quelqu’un qui vit avec le TDL (et qui rencontre des difficultés au niveau de la compréhension), c’est mieux de diviser la tâche en étapes.
Dans le cas de la salade de fruits, ça pourrait ressembler à :
Prends un bol. Coupe les fraises en morceaux et mets-les dans le bol. Épluche une banane, coupe-la en rondelles et ajoute-la au bol…
Bref, tu comprends le principe.
Quand on vit avec le TDL, on peut aussi avoir de la difficulté à faire des inférences.
C’est quoi ça, des inférences ? 🤨
Pour t’aider à mieux comprendre, je t’invite à lire le petit texte suivant :
Je suis allé dans un endroit où il y avait des chaises, des miroirs et des gens qui parlaient. Une personne avec un tablier et différents outils est venue près de moi, et elle m’a demandé : « alors, qu’est-ce qu’on fait aujourd’hui ? ». Je lui ai dit de faire comme d’habitude, et elle m’a donné une longue cape noire à enfiler par-dessus mes vêtements. Ensuite, un bruit électrique a commencé à résonner près de mon oreille gauche, et de petites mèches de cheveux sont tombées par terre, à mes pieds.
As-tu deviné où se trouve le personnage de ce texte ?
Ce n’est pas mentionné explicitement, mais si tu as prêté attention aux nombreux indices, tu as sûrement déduit que la personne est chez le coiffeur ! 💇♂️
Tristement, pour une personne vivant avec le TDL, un exercice comme celui-ci aurait pu être beaucoup plus difficile.
Pour en savoir plus sur les inférences, je t’invite à écouter ou à lire le contenu de l’épisode 43 de L’orthophonie simplement. C’est vraiment un sujet passionnant ! 🤩
Maintenant que j’ai fait le tour du langage réceptif, parlons un peu du langage expressif.
Souvent, quand les gens pensent au TDL (s’ils savent ce que c’est), ils pensent justement aux difficultés expressives, qui peuvent être plus « visibles » que les difficultés de compréhension.
Au niveau de l’expression, il existe plusieurs sphères. Je vais t’en présenter 5 !
Le vocabulaire, c’est la banque de mots à laquelle on a accès pour s’exprimer et pour comprendre les autres.
Souvent, les personnes qui vivent avec le TDL ont de la difficulté à emmagasiner de nouveaux mots, ce qui peut restreindre leur vocabulaire.
Est-ce que ça veut dire que si tu ne te souviens pas toujours des nouveaux mots que tu apprends, tu as forcément un TDL ?
Non, pas du tout ! 😅
D’ailleurs, si ça peut te rassurer, moi aussi j’oublie parfois certains mots que j’apprends. Par exemple, le mot « étrille », que je mentionne dans cette publication sur Instagram… J’ai dû relire ma publication pour me rappeler du mot que j’ai découvert en faisant des recherches sur les plantes dans ma platebande ! Pour X raison, ce mot just didn’t stick.
C’est normal que ça arrive parfois. La différence avec les personnes qui vivent avec le TDL, c’est que ce genre de chose peut leur arriver souvent, et avec des mots qui sont plus communs.
L’accès lexical, c’est notre capacité à retrouver rapidement et avec précision un mot spécifique dans notre mémoire mentale quand on en a besoin.
Malheureusement, une personne qui vit avec le TDL peut connaître des difficultés d’accès lexical.
Ces difficultés peuvent se manifester ainsi :
Pour en savoir plus sur l’accès lexical, tu peux consulter l’épisode 37 de mon podcast.
Certaines difficultés de prononciation et d’articulation sont souvent associées au TDL.
Ces difficultés peuvent se manifester de diverses manières. Pour te donner une idée, voici 2 exemples :
Mais attention : si ton enfant connaît des difficultés en lien avec l’articulation ou la prononciation, ne pense pas automatiquement qu’il a un TDL. ⚠
En fait, les difficultés de ce genre peuvent être liées au TDL, mais elles peuvent aussi être indépendantes. Et même, il existe des troubles spécifiques liés à la phonologie et à l’articulation !
Pour en savoir plus sur l’articulation et la prononciation, tu peux consulter ces épisodes de podcast :
Les difficultés au niveau de la structure des phrases, de la syntaxe et de la morphosyntaxe peuvent également être présentes chez les personnes atteintes de TDL.
Ça veut dire quoi, ça ? Voici une brève explication des 3 termes :
La structure de phrases concerne l’organisation des mots pour créer des phrases. Elle inclut l’ordre des mots, la ponctuation et la disposition des éléments (comme les sujets et les verbes) pour former un sens. Par exemple, dans la phrase « le chat mange la souris », le sujet (« le chat ») vient avant le verbe (« mange ») et l’objet (« la souris »).
La syntaxe et la structure de phrases sont étroitement liées. En fait, on pourrait dire que la structure de phrases fait partie de la syntaxe. En plus d’inclure des règles concernant l’ordre des mots, la syntaxe régit la manière dont les mots fonctionnent ensemble pour créer des phrases grammaticalement correctes. La négation, les temps de verbes, l’accord entre les mots… Tout ça, ça fait partie de la syntaxe !
La morphosyntaxe s’intéresse à la façon dont les mots changent de forme pour s’adapter aux phrases. Par exemple, le mot « travail » devient « travailleur » quand on veut parler de la personne qui effectue l’action.
Chez les enfants TDL, les difficultés de structures de phrases, de syntaxe et de morphosyntaxe peuvent se traduire par des difficultés à produire des phrases complètes ou des phrases d’une longueur appropriée pour leur âge. Aussi, ces enfants peuvent faire des erreurs d’utilisation de pronoms ou mêler le genre des mots (ex. dire « un girafe » au lieu de « une girafe »).
Et quand ces enfants entrent à l’école, ils font souvent plus d’erreurs grammaticales à l’écrit, parce que le niveau de langage est généralement plus complexe qu’à l’oral.
Le dernier aspect dont je veux parler en lien avec le langage expressif, c’est ce qu’on appelle « l’utilisation ». Quand on parle d’utilisation, il faut considérer 2 aspects. Les voici :
La pragmatique, ça concerne la manière dont on régit la communication.
Ça englobe, entre autres, le respect des règles d’échange, la prise en compte des tours de parole, le maintien du contact visuel, et l’adaptation au contexte de la communication. Par exemple, un adolescent ne va pas interagir de la même façon pendant une soirée entre amis que lors d’un exposé oral (en tout cas, j’espère ! 😅).
L’autre aspect de l’utilisation, c’est le discours.
Le discours, ça englobe la capacité à expliquer, justifier et raconter.
Souvent, quand on travaille le discours chez les jeunes enfants, on va miser surtout sur le discours narratif (présenter les personnages, identifier le lieu et le moment où se déroule l’histoire, etc.). Mais quand on grandit, on doit développer d’autres types de discours.
Par exemple, la capacité à décrire de manière détaillée, à justifier une réponse, à donner un avis, à argumenter, etc. Pour les personnes qui vivent avec le TDL, des compétences comme celles-ci peuvent être un vrai défi.
Bon, alors que retenir de cet épisode ?
Plusieurs choses !
Entre autres, chaque personne qui vit avec le TDL est différente. Le TDL se manifeste de différentes manières, que ce soit par des atteintes sur le plan du langage réceptif ou expressif, et parfois, pour certaines personnes, par des atteintes aux 2.
Le TDL, ce n’est pas comme une grippe passagère. On ne « guérit » pas du TDL. C’est une difficulté qui reste pour la vie, et ce n’est pas non plus quelque chose qu’on peut « attraper » tout d’un coup.
Et tu sais quoi ? Ça, je ne l’ai pas mentionné plus haut, mais environ 7 % de la population vit avec un TDL. C’est quand même beaucoup ! Et là-dedans, il y a des personnes qui ne savent même pas qu’elles ont un TDL ! Elles savent qu’elles sont différentes des autres, mais elles se disent qu’elles sont moins bonnes, moins vite, moins intelligentes que leurs pairs… Évidemment, ce n’est pas vrai, mais c’est triste que ces personnes pensent ça d’elles-mêmes ! 😥
Oui, on doit mieux faire connaître le TDL !
De mon côté, j’essaie de faire ma part pour sensibiliser les gens. Par exemple, j’ai récemment offert une conférence sur l’impact du TDL sur les apprentissages scolaires. Je n’en revenais pas, mais on a atteint la capacité maximale de la salle ! 😯
Cette conférence, je l’ai créée pour le groupe « Les p’tits conseils », un groupe Facebook qui a été mis en place par différentes associations qui travaillent avec personnes qui présentent un TDL. Viens rejoindre ce groupe si le cœur t’en dit !
Malheureusement, la conférence n’est pas disponible en rediffusion, mais je vais essayer de trouver une façon de retransmettre l’information dans un autre contexte. À suivre !
Aussi, je suis maintenant sur le conseil d’administration du Regroupement TDL Québec, et on a produit des capsules vidéo en lien avec le TDL. Tu pourras les trouver sur leur chaîne YouTube. Bonne écoute ! 🖥
Si tu as des questions ou des commentaires, n’hésite pas de m’écrire par courriel (info@loriannelacerte.ca), sur Instagram (@lorianne.orthophoniste) ou sur Facebook. Ça me fera plaisir de te lire ! Et je t’invite à partager le contenu de cet épisode à toute personne qui pourrait en bénéficier.
Ensemble, on va mieux faire connaître le TDL ! Il faut le faire ASAP ! 😉
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