Épisode 76

7 mythes sur le développement langagier des enfants d'âge préscolaire

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Lorianne Lacerte - Icône - Apple podcastÉcouter sur GoogleÉcoutez sur Spotify

L’émission MythBusters, tu connais ça ?

De 2003 à 2006, cette télésérie populaire a répondu à des questions farfelues que les films, les livres et d’autres médias nous ont incités à nous poser.

Eh bien, moi aussi, j’ai eu le désir d’être une MythBuster. Une MythBuster pour le développement du langage.

En fouillant un peu dans ma mémoire, j’ai donc compilé une liste de 7 mythes que j’entends trop souvent concernant le développement langagier des enfants d’âge préscolaire. Pour les découvrir, je t’invite à poursuivre la lecture de cet article ou à écouter l’épisode !

Petit disclaimer avant de commencer : les mythes ne sont pas nécessairement propagés par des gens qui ont de la mauvaise volonté. Souvent, les mythes proviennent d’un manque de connaissance, ou ils viennent d’idées qui semblaient vraies à une certaine époque, mais qui se sont révélées fausses par des études plus récentes. Mon but n’est donc pas de critiquer ou de pointer du doigt ceux qui partagent ces mythes, mais plutôt de mieux informer ces personnes pour qu’elles puissent dorénavant faire circuler les bonnes informations. 🤓

Sans plus tarder, voici la liste des 7 mythes sur le développement langagier que je suis tannée d’entendre !

1. « Ton enfant est juste un peu paresseux. »

Si ton enfant commence à parler plus tardivement ou s’il a des défis langagiers, ça se peut que tu penses que ton enfant est paresseux (ou que tu te le fasses dire par d’autres 😅).

Mais, rest assured, c’est faux.

Ce qui est vrai, c’est que parfois, dans certaines situations, un enfant va peut-être chercher à trouver d’autres moyens de communiquer ses besoins, et pour lui, c’est très fonctionnel.

Je vais te donner un exemple.

Tu es au téléphone avec ta bonne amie, Patricia, quand soudain, ton grand de 11 ans vient te voir et te demande : « maman, où sont mes souliers bleus ? ». Pour ne pas interrompre Patricia, que feras-tu ?

Eh bien, peut-être que tu vas lever ton index pour signaler à ton enfant « attends juste une petite minute ». 

Est-ce que tu auras fait ça parce que tu étais trop paresseuse pour verbalement dire à ton enfant que tu voulais qu’il patiente quelques instants ? Mais non, c’est absurde ! 😂 

C’est tout simplement que, dans le moment, la façon la plus efficace de communiquer, ce n’était pas par des mots, mais plutôt par un geste.

Ce qui est important de garder en tête, c’est que le langage sert à communiquer. Et si on utilise une autre méthode pour communiquer que la parole, ce n’est pas parce qu’on n’est pas capable de parler ou parce qu’on est paresseux. Peut-être que c’est juste plus simple, dans la situation présente, d’utiliser une autre méthode de communication.

Souviens-toi que tous les enfants sont en apprentissage, et que ça peut leur demander beaucoup d’efforts d’utiliser le bon mot ou de faire une phrase complète. Donc oui, c’est possible qu’au lieu de verbaliser ses besoins, ton enfant opte pour des cris, des pleurs, des gestes, ou bien qu’il dise seulement quelques mots isolés au lieu d’une belle phrase complète.

Est-ce que ça veut dire que ton enfant, c’est un lâche ? 

Pas du tout. Ça veut dire qu’il est normal. 😉

Et qu’en est-il de la fatigue et de nos émotions ?

J’ai beau être orthophoniste, mais moi aussi, si je suis brûlée ou drainée émotionnellement, ça se peut que je cherche mes mots ! Ça se peut que je sois moins cohérente, et que les mots se bousculent dans ma tête. Ça se peut.

Alors, si ton enfant est exténué ou qu’il vient de pleurer toutes les larmes de son corps parce qu’il n’a pas le droit de manger un deuxième morceau de chocolat, peut-être qu’à ce moment-là, il va trouver une autre façon de te faire connaître ses besoins ou utiliser des mots moins précis.

Et ça, ça ne veut pas dire qu’il est paresseux !

2. « Ton enfant comprend juste ce qu’il veut comprendre. »

Si quelqu’un te dit ça, il est en train de prendre pour acquis que ton enfant ne coopère pas parce que ça ne lui tente pas.

Et oui, peut-être que c’est le cas.

J’ai 2 filles. Je sais que parfois, elles font sourde oreille pour éviter quelque chose qui ne les intéresse pas.

Mais une phrase comme « ah, il comprend juste ce qu’il veut comprendre », c’est trop général. 

Est-ce qu’il y a un moment où l’enfant semble ne pas comprendre ? Est-ce que c’est quand tu lui demandes plusieurs choses en même temps ? Dans ce cas, peut-être que tes consignes sont juste trop complexes pour lui !

Comprendre un mot, c’est une chose. Comprendre un mot dans une phrase, ça en est une autre.

Dans une phrase, tu peux ajouter une notion temporelle pour indiquer à ton enfant quand telle ou telle chose devra se passer, et ça peut embrouiller la consigne pour l’enfant. 

Par exemple, si tu veux que ton enfant vienne pour le bain et que tu lui dises « quand tu auras fini de ranger, tu viendras me rejoindre en haut ! », peut-être que, selon son niveau langagier, il ne comprendra pas. 

Tu pourrais l’interpréter comme « mon enfant veut juste jouer dans le salon, il n’écoute jamais quand c’est l’heure du bain », quand, en réalité, ton enfant serait obéissant si tu lui disais simplement : « viens, c’est l’heure du bain ! ».

Même chose si tu parles à ton enfant alors que vous n’êtes pas dans la même pièce… Encore là, ça peut embrouiller les choses pour lui. 

Assure-toi donc de toujours donner des consignes adaptées au niveau langagier de ton enfant, et vérifie s’il est attentif pendant que tu lui parles (ce que tu ne peux pas faire si tu n’es pas avec lui).

Pour en savoir plus sur la compréhension orale, je t’invite à écouter l’épisode 21 à ce sujet ou à lire le contenu. 😊

3. « Ton enfant est super moteur, donc c’est normal qu’il ne parle pas beaucoup. »

À ça, je réponds : « OK ??? » 🤔🤨

C’est sûr que je comprends la logique derrière l’affirmation (l’idée qu’on ne peut pas être bon à tout), mais quand même.

Est-ce que ça doit vraiment être noir ou blanc ? Soit ton enfant marche rapidement, soit il parle rapidement ? Soit ton enfant est bien développé physiquement, soit il est bien développé du côté langagier ?

Si c’était juste un ou l’autre, il y aurait pas mal plus de parents malheureux !

La réalité, c’est qu’un enfant peut tout aussi bien apprendre à marcher à 8 mois et parler un mois plus tard. C’est possible.

D’un autre côté, un enfant peut aussi parler à 11 mois et marcher à 14 mois. Ça aussi, c’est possible.

Je le dis souvent, mais chaque enfant est différent. 

Et quand un enfant se développe, la majorité du temps, les différentes sphères se développent en même temps. 

Si l’enfant apprend à marcher vite, les habiletés langagières ne vont pas se dire : « bon, on est mieux d’attendre un peu avant de se pointer, sinon ça va tout bousiller. » 😂

Ce n’est pas un choix : bien marcher ou bien parler. Ça ne fonctionne pas comme ça. Certains enfants ont les 2, certains en ont 1, et d’autres, tristement, ont de la difficulté avec les 2. That’s life.

Une chose est sûre, par contre : dans mon expérience, les enfants qui ont des défis langagiers ont tendance à devenir plus autonomes (ex. grimper ou se servir une collation par eux-mêmes). Ça ne veut pas dire que leurs habiletés physiques empêchent leurs habiletés langagières à se développer, mais bien que, puisque leurs habiletés langagières sont plus faibles que la moyenne, ils compensent par d’autres moyens.

4. « Le langage de ton enfant va débloquer tout seul, donc attends avant de consulter. »

Attendre, ce n’est pas une bonne idée. 

Quand on remarque que notre enfant semble avoir des défis, on veut rapidement connaître l’étendue de ses défis et voir comment on peut l’aider.

Les recherches sur les enfants qui parlent plus tard (on les appelle « late talkers ») sont variables. 

Il semble qu’entre 15 et 50 % des enfants dont le langage se développe plus tardivement vont récupérer de façon naturelle et spontanée avant de commencer l’école, et ce, sans prise en charge en orthophonie.

Donc, il y a 50 à 85 % de chances que ton enfant ne récupère pas de façon naturelle et spontanée si c’est un late talker.

J’avoue que c’est assez large comme spectre, mais ça donne quand même une petite idée.

Alors, il se peut que ton enfant fasse partie du pourcentage qui récupère tout seul, comme qu’il peut faire partie de la catégorie qui a besoin d’un coup de main. Et ça, tu ne le sais pas d’avance.

Si ton enfant ne fait pas partie des 15 à 50 % qui récupèrent naturellement et que tu n’as pas cherché à obtenir de l’aide pour lui, c’est une perte de temps. Pendant tout le temps où tu souhaitais que son langage débloque, ton enfant aurait pu avoir l’aide dont il a besoin.

C’est un pensez-y-bien.

D’ailleurs, dans mon programme d’accompagnement parental, j’accompagne des parents qui ont des tout-petits de 18 mois. Leurs parents trouvent qu’ils ne disent pas beaucoup de mots, donc je les outille pour qu’ils puissent stimuler le langage de leur enfant.

L’intervention précoce, pour moi, c’est un must. Mieux vaut prévenir que guérir, comme on dit.

Pour en savoir plus, consulte mon épisode sur les normes développementales du langage.

5. « Moi aussi, j’ai appris à parler plus tard, et tout va bien pour moi maintenant. »

L’affaire, c’est qu’on ne sait pas dans quelle catégorie notre enfant va tomber avant de l’avoir vécu. 

C’est vrai que certains enfants ont ce qu’on appelle une « récupération spontanée », ce qui veut dire que même sans soutien en orthophonie ou en stimulation langagière, leurs difficultés langagières s’estompent par elles-mêmes.

C’est aussi vrai que certains enfants, malgré un suivi en orthophonie pendant 10 ans, vivront toujours avec des difficultés sur le plan langagier.

Et c’est vrai que certains enfants, grâce à de la stimulation langagière, atteignent un niveau langagier considéré comme « normal » pour leur âge.

Mais, même si on connaît bien ces différentes possibilités, on n’a pas de boule de cristal. On ne sait pas à quel groupe notre enfant appartient.

On ne veut donc pas banaliser les difficultés de notre enfant en se disant que notre oncle Michel a commencé à parler à 3 ans seulement, et que maintenant il est ingénieur. 

Tant mieux pour Michel, mais ton enfant ne sera peut-être pas aussi chanceux.

6. « Étant donné qu’il est exposé à plus d’une langue, c’est normal que ton enfant parle plus tard. »

Dans le passé, j’ai enregistré un épisode avec Mélissa Farkouh, une orthophoniste spécialisée en multilinguisme. Justement, on avait parlé des mythes et fausses croyances sur le bilinguisme, et l’idée qu’un enfant bilingue ait plus de chances d’avoir des difficultés langagières en faisait partie. 

Bref, ce n’est pas vrai du tout. Si un enfant est exposé à 2 langues et qu’il reçoit de bons modèles verbaux dans les 2 langues, il peut très bien avoir le même développement qu’un enfant monolingue.

Bien sûr, ça dépend du niveau d’acquisition des 2 langues. Peut-être que l’une d’elles a été apprise plus tard, ou qu’elle est moins présente dans la vie de l’enfant… Tout ça, ça doit être pris en considération.

Mais non, si ton enfant commence à parler plus tard, ce n'est pas parce qu’il est exposé à 2 langues. Il y a autre chose qui se passe derrière ça.

7. « Ton enfant ne parle pas beaucoup parce que c’est le p’tit dernier dans la famille ».

Ça, ça dépend du contexte familial.

Ce qui peut arriver dans des familles nombreuses, c’est que l’enfant ait moins d’espace pour communiquer. Peut-être que sa fratrie bruyante prend beaucoup de place, et que ça limite les occasions de communiquer de l’enfant plus jeune.

Mais si l’enfant passe des moments où il est seul avec ses parents, ça lui donne une parfaite opportunité pour développer son langage. En tout cas, si c’est le cas, on ne peut pas utiliser le fait que c’est le plus jeune comme excuse.

Et si ce n’est pas le cas ? J’encourage les parents à prendre du temps pour être avec leur enfant, seul à seul.

On peut aussi penser au fait que quand l’enfant est le plus jeune, ses frères et sœurs plus vieux vont peut-être traduire ce qu’il tente de dire pour que les autres comprennent. Ça aussi, ça enlève des occasions de bien communiquer à l’enfant.

Par contre, la même chose peut arriver à l’enfant du milieu, ou à un enfant qui a un cousin plus vieux. 

Bref, ce n’est pas parce que ton enfant est le plus jeune qu’il a des difficultés langagières (ou, du moins, probablement pas).

Alors, voilà qui fait le tour de mes 7 mythes !

Si tu as des questions, ou que tu aimerais me partager d’autres mythes dont tu as entendu parler, ça va me faire plaisir de te lire ! Aussi, si tu te demandes si telle ou telle croyance est vraie, je pourrai te guider et peut-être même ajouter ta question à cet article ! 

Pour me contacter, tu peux laisser un commentaire sur cette page, m’écrire sur Instagram (@lorianne_orthophoniste) ou sur Facebook ou m’envoyer un courriel (info@loriannelacerte.ca).

En attendant, n’hésite pas à partager cet épisode aux gens de ton entourage à qui ça pourrait intéresser ! 😁

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