Épisode 79

Les productions écrites : un défi pour les jeunes ayant des difficultés d’apprentissage ou de langage

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Lorianne Lacerte - Icône - Apple podcastÉcouter sur GoogleÉcoutez sur Spotify

« OK tout le monde, j’aimerais que vous m’écriviez un texte argumentatif de 500 mots. Le thème, c’est la question suivante : les jeunes devraient-ils apprendre à conduire à 14 ans ? ».

Si tu es comme je l’étais au secondaire, tu sautillais presque sur place en entendant des paroles comme ça. Tu pensais déjà à ton sujet amené, à tes arguments, à ta conclusion. Des heures de plaisir étaient devant toi, woohoo ! 🤩

Mais si tu es comme beaucoup de gens, lire cette consigne t’a peut-être ramené de mauvais souvenirs (et peut-être même un petit frisson 🥶). Écrire, effacer, écrire encore, chercher un mot dans le dictionnaire… Ah, les fameuses productions écrites, et tout le stress qui venait avec !

Ce stress, il est souvent présent chez les jeunes qui connaissent des difficultés d’apprentissage ou de langage. Pour ces jeunes, les productions écrites sont parfois de réels cauchemars. Et les résultats scolaires peuvent en témoigner.

Mais pourquoi les productions écrites sont-elles si compliquées pour ces jeunes ? Écrire, c’est simple, non ?

Hmm, non. Pas tout à fait.

Pour t’aider à mieux comprendre tout ce que la rédaction implique pour notre cerveau, j’ai décidé d’enregistrer un épisode de podcast à ce sujet. Dans cet article, on va parler de 3 aspects de la rédaction : 1) le contexte, 2) l’orthographe et 3) la grammaire. N’hésite pas de sauter à l’une ou à l’autre des sections du texte s’il y en a une qui t’intéresse particulièrement !

L’inspiration derrière l’épisode 79

Il y a quelque temps, une maman m’a écrit pour que j’évalue sa fille (on va l’appeler Sabrina). 

Sabrina éprouvait des difficultés en écriture, et l’école en est venue à la conclusion que cette jeune fille avait sûrement une dyslexie-dysorthographie.

Mais pour confirmer une hypothèse de ce genre, ça prend une évaluation d’un professionnel. That’s where I come in.

La maman a donc voulu en savoir plus sur mes services d’évaluation, et elle m’a posé une question qui m’a pas mal fait réfléchir.

La question, c’était : « quel est le secret de l’univers, et pourquoi sommes-nous sur Terre ? ».

😳😳😳

Non, je niaise. 😂

En fait, c’était une question pas mal plus simple, et elle avait (heureusement) un lien direct avec mon métier d’orthophoniste. La maman m’a demandé si, pendant l’évaluation, j’allais vérifier la grammaire et la conjugaison des verbes.

Pour moi, la réponse était vraiment évidente. La grammaire et la conjugaison des verbes, ça fait partie du langage écrit, donc oui, naturellement, j’allais vérifier tout ça. 

Mais la maman m’a répondu en disant qu’elle avait entendu des gens dire que ça ne faisait pas partie de l’évaluation du langage écrit.

What ???

De mon côté, quand je me plonge dans l’évaluation du langage écrit d’un jeune, je ne laisse pas l’orthographe et la grammaire de côté. Je m’attarde au processus de lecture du jeune, et je lui demande aussi de faire quelques tâches de rédaction pour moi : un texte plus spontané, et un texte qui ressemble plus à un travail scolaire. Et ce n’est pas tout ! Je fais aussi des dictées avec les jeunes que j’évalue. Pour moi, toutes ces choses sont essentielles pour brosser un portrait complet des habiletés en langage écrit de l’enfant ou de l’adolescent.

Alors, à mon avis, c’est inconcevable d’évaluer le langage écrit d’un jeune sans prendre en compte ses habiletés en grammaire et en conjugaison de verbes. Dans ma tête à moi, ça aurait autant de sens que d’évaluer un étudiant de cuisine sur sa recette de raviolis, mais sans goûter à sa sauce ! 😅

Donc, voilà ce qui a inspiré l’épisode 79. J’avais envie de démystifier le tout, et d’expliquer ce qui est impliqué quand on parle de langage écrit et de rédaction de textes.

Et oui, la grammaire et la conjugaison de verbes, ça en fait partie.

Le langage écrit, c’est quoi au juste ?

Le langage écrit, c’est une forme de communication qui utilise des signes graphiques, comme des lettres ou des caractères (selon la langue), pour représenter la langue parlée. 

Son but principal, c’est de partager des connaissances, des idées et des histoires qui peuvent traverser de longues distances et résister à l’épreuve du temps. D’ailleurs, tu connais sûrement le dicton : « les paroles s’envolent, mais les écrits restent » !

Tout ça, ça peut sembler assez simple. Mais la réalité de la chose, c’est que le langage écrit est un système très complexe.

C’est complexe parce que ça exige une compréhension des règles de grammaire, de la syntaxe, de l’orthographe et de la ponctuation, en plus de la capacité à organiser et à structurer ses pensées de manière cohérente.

Ouais, ça fait pas mal de choses ! 😅

3 aspects importants à considérer avant de rédiger un texte

Parmi ces choses (la grammaire, la syntaxe, l’organisation des idées, etc.), j’ai choisi 3 aspects, que j’ai abordés plus en profondeur dans l’épisode 79.

Les voici : 1) le contexte, 2) l’orthographe et 3) la grammaire.

Viens, on va décortiquer tout ça ensemble ! 😊

1. Le contexte

Avant même de commencer à rédiger un texte, on veut penser au contexte.

En fait, plusieurs questions se posent. En voici quelques-unes :

  • C’est quoi l’objectif de mon texte ?
  • Est-ce que j’écris un texte dans le but de convaincre quelqu’un de quelque chose ? 
  • Est-ce que j’écris un texte qui va servir à raconter une histoire, à décrire un endroit, à présenter une personne célèbre et connue… ? 
  • À qui va s’adresser mon texte ? Par exemple, est-ce que j’écris une histoire pour une classe d’enfants de maternelle ? Est-ce que j’écris une nouvelle littéraire qui pourrait paraître dans un recueil ou que je pourrais partager avec des camarades de classe au secondaire ? Ou est-ce que j’écris un article scientifique qui s’adresse à des professionnels du monde de la médecine ?

Pour illustrer, on peut reprendre l’idée du début. Tu t’en souviens ? 

Sinon, ce n’est pas grave. Je vais te rafraîchir la mémoire. 

« OK tout le monde, j’aimerais que vous m’écriviez un texte argumentatif de 500 mots. Le thème, c’est la question suivante : les jeunes devraient-ils apprendre à conduire à 14 ans ? ».

Si tu étais un élève dans cette classe, tu voudrais sûrement te poser les questions précédentes pour mieux comprendre le contexte de ce que tu vas écrire. On peut faire l’exercice ensemble (je vais mettre les réponses en gras) :

  • C’est quoi l’objectif de mon texte ? Argumenter et expliquer mon point de vue sur la question : les jeunes devraient-ils apprendre à conduire à 14 ans ? 
  • Est-ce que j’écris un texte dans le but de convaincre quelqu’un de quelque chose ? Oui ! Je veux convaincre mon lecteur que mon opinion sur la question est la bonne.
  • Est-ce que j’écris un texte qui va servir à raconter une histoire, à décrire un endroit, à présenter une personne célèbre et connue… ? Non.
  • À qui va s’adresser mon texte ? Par exemple, est-ce que j’écris une histoire pour une classe d’enfants de maternelle ? Est-ce que j’écris une nouvelle littéraire qui pourrait paraître dans un recueil ? Ou est-ce que j’écris un article scientifique qui s’adresse à des professionnels du monde de la médecine ? J’écris à mon enseignant. Je vais donc utiliser un niveau de langue plus poussé que si j’écrivais à des élèves du primaire ou du secondaire, mais moins formel et scientifique que si j’écrivais à des professionnels médicaux.

L’exercice peut paraître simple, mais pour les jeunes qui rencontrent des difficultés d’apprentissage ou de langage, ça peut être vraiment compliqué.

En fait, il y a tellement de choses à considérer en ce qui concerne le contexte ! Examinons-en 3 : le type de texte, les contraintes du texte et le destinataire du texte. 

On en a déjà parlé un peu, mais maintenant, on va creuser un peu plus ! 

Le type de texte

Pour commencer, examinons 13 différents types de textes qui existent (ce n’est MÊME PAS une liste complète, mais ça te donnera quand même une idée !) :

1. Le texte narratif

Le texte narratif raconte une histoire avec un début, un milieu et une fin. 

Les Aventures de Tintin, la biographie de Céline Dion, le compte du petit chaperon rouge… Ce sont tous des exemples de textes narratifs.

2. Le texte descriptif

Le texte descriptif (comme son nom l’indique) peint un tableau avec des mots, décrivant des lieux, des personnes ou des objets.

Par exemple, si tu pars en Alaska et que tu écris un journal de voyage pour décrire les paysages et les personnages que tu rencontres, c’est un texte descriptif.

3. Le texte explicatif

Le texte explicatif vise à expliquer comment ou pourquoi les choses se passent, ou comment les choses fonctionnent.

Voici quelques exemples concrets : un texte qui explique comment les fours à micro-ondes fonctionnent, un texte qui explique pourquoi les saisons changent, un texte qui explique les différents types de textes, etc. 😜

4. Le texte argumentatif

Le but du texte argumentatif, c’est de présenter des arguments pour convaincre le lecteur d’une opinion.

Ça peut être un éditorial, un texte qui débat sur un sujet d’actualité, un texte sur l’âge auquel les jeunes devraient apprendre à conduire… The sky is the limit ! 

5. Le texte instructif

Le texte instructif donne des instructions ou des directives à suivre.

Par exemple, si tu lis une recette de brownies sur le site web de Ricardo ou si tu regardes le mode d’emploi du jeu Sims 3, tu es en train de consulter un texte instructif !

6. Le texte poétique

Le texte poétique utilise des mots pour exprimer des émotions, souvent avec un style rythmé ou rimé.

2 exemples simples (et pas trop surprenants !) : des poèmes et des chansons. 

7. Le texte persuasif

Le texte persuasif vise à influencer l’opinion ou le comportement du lecteur.

La publicité d’Oncle Tom sur le Willi Waller 2006, les discours politiques, les lettres de vente… Ce sont tous des exemples de textes persuasifs !

8. Le texte comparatif

Le texte comparatif met en relief les similitudes et les différences entre deux éléments ou plus.

En fait, j’ai quelques textes comparatifs sur mon site web ! Si ça t’intrigue, en voici un exemple : Trouble développemental du langage et trouble des sons de la parole ; c’est quoi la différence ?

9. Le texte critique

Le texte critique évalue et donne un jugement sur une œuvre ou un événement (ex. une critique de cinéma, une critique littéraire, une critique de restaurant).

10. Le texte journalistique

Le texte journalistique apporte des faits ou des nouvelles de manière objective (ou subjective, dans certains cas).

Par exemple, on peut penser aux reportages, aux articles de journaux, aux bulletins de nouvelles, etc.

11. Le texte scientifique

Le texte scientifique présente des informations basées sur la recherche scientifique et des données empiriques.

Tu te souviens de l’exemple que je donnais tantôt, celui d’un article scientifique qui s’adresse à des professionnels du monde de la médecine ? Eh bien, je pense que tu l’as deviné, mais si j’écrivais ce texte, ce serait un texte scientifique. 

12. Le texte juridique

Le texte juridique utilise un langage spécifique pour aborder des questions de droit et de législation.

Les codes de lois, les jugements de tribunaux, les contrats de travail… Tous des exemples de textes juridiques !

13. Le texte didactique

Last but not least, on a le texte didactique, qui est conçu pour enseigner ou instruire sur un sujet donné.

Par exemple, quand j’offre mes formations aux parents, aux éducatrices et aux autres intervenants, je leur remets de la documentation pour résumer ce qui est enseigné dans la formation. Je dis ça comme ça. 😉

Donc, ça fait le tour de mes 13 exemples de types de textes ! Il y en a encore plein d’autres, mais je pense que tu comprends le principe. 

L’idée que je veux que tu retiennes, c’est qu’il existe plein de types de textes, et que chaque texte a sa structure. 

Par exemple, si on lit un texte narratif, on va s’attendre à voir (sous une forme ou une autre), ces 5 choses : 1) la situation initiale, 2) l’élément déclencheur, 3) les péripéties, 4) le dénouement et 5) la situation finale.

Mais si on lit un texte juridique (un contrat de location pour une voiture, par exemple), on serait pas mal surpris d’y trouver des péripéties ! Ça n’aurait pas vraiment rapport avec la structure normale de ce type de texte. 😅

Malheureusement, les jeunes qui rencontrent des difficultés d’apprentissage ou de langage peuvent avoir de la misère à comprendre les structures de textes et à les mettre en pratique. Pour eux, ça peut être un véritable défi.

Et un autre défi se présente à eux aussi quand ils font une tâche de rédaction : les contraintes du texte qu’ils écrivent. 

Les contraintes du texte

Plus loin encore que le type de texte, la rédaction implique une bonne compréhension des contraintes du texte qu’on veut écrire.

Voici quelques exemples de contraintes :

La structure
  • Est-ce que je dois séparer le texte en différents paragraphes ? 
  • Est-ce que j’ai un minimum ou un maximum de mots à respecter ? 
  • Est-ce que j’ai un minimum ou un maximum d’idées principales à respecter ? Par exemple, si j’écris un texte argumentatif sur l’âge d’obtention du permis de conduire chez les jeunes, est-ce que j’ai droit à 3, 5, 7 arguments ?
  • Comment séparer mes idées en phrases ?
  • Qu’est-ce qui constitue une phrase ? 
  • Est-ce que mes phrases sont complètes ?
La cohérence
  • Est-ce que mes idées sont bien organisées ?
  • Est-ce qu’il y a un fil conducteur entre mes idées ?
  • Est-ce que je me répète ?
  • Est-ce que je vais utiliser des marqueurs de relation (de plus, ainsi, cependant, etc.) pour enchaîner mes idées ?
  • Est-ce que je vais utiliser des organisateurs textuels (premièrement, pour continuer, en conclusion, etc.) pour séparer mes paragraphes ?
Le ton et le style

(Petite parenthèse avant de continuer : le ton, c’est l’attitude de l’auteur envers son sujet ou ses lecteurs. Il peut être formel, amical, sarcastique, etc., comme l’intonation de la voix. Le style, de son côté, concerne les choix d’écriture de l’auteur, comme le vocabulaire, la structure des phrases et l’agencement des idées. C’est la signature unique de l’écriture de quelqu’un.)

Des questions à se poser avant d’écrire un texte sont, par exemple :

  • Quel ton est-ce que je peux employer dans mon texte ?
  • Quel sera le style du texte ?
  • Est-ce que je peux m’adresser au « tu » dans mon texte ?
  • Est-ce que je peux utiliser le « je » dans mon texte ?
  • Si j’écris une histoire, quel sera le type de narrateur ? Est-ce que ce sera un narrateur participant à l’action ou un narrateur omniscient qui sait tout ?

Ça fait pas mal de choses auxquelles penser !

Sans plus tarder, passons à la troisième chose qu’on doit prendre en compte en ce qui concerne le contexte : le destinataire du texte.

Le destinataire du texte

En ce qui concerne le destinataire du texte, encore une fois, plusieurs questions se posent. 

Je te donne quelques exemples :

  • Qui est mon public cible ? Est-ce que mon texte s’adresse à des jeunes, des professionnels, des amateurs sur le sujet ? Par exemple, est-ce que j’écris un texte pour essayer de convaincre le directeur de mon école d’offrir des options sans gluten à la cafétéria, ou est-ce que j’écris à mes parents pour qu’ils modifient mon couvre-feu ?
  • Quelles sont les connaissances préalables que je peux supposer chez mon destinataire ? Est-ce que je dois définir des termes techniques, ou je peux les utiliser librement ?
  • Quel est l’objectif du texte pour le destinataire ? Informer, persuader, divertir ou inciter à l’action ?
  • Comment les valeurs et les croyances du destinataire peuvent-elles influencer sa réception du texte ? Est-ce que je dois être conscient de sensibilités culturelles ou sociales ?
  • Est-ce que je veux susciter des émotions chez le lecteur ? Si oui, quel genre d’émotions ? Est-ce que je cherche à l’inspirer, le rassurer, le motiver, le culpabiliser ?
  • Quelles sont les attentes du destinataire en termes de format du texte ? Préfère-t-il des textes courts et concis ou des analyses détaillées ?

Ouais… C’est intense, hein ? 😅 Quand tu regroupes les différentes questions que j’ai mentionnées jusqu’à maintenant, ça fait pas mal de choses à considérer !

Et ça, c’est sans compter le fait qu’on doit prendre en compte ces questions tout au long de la tâche d’écriture. Sinon, on pourrait vite se retrouver avec des incohérences (ex. passer du « tu » au « vous », passer de la première personne à la troisième personne, etc.). 

Pour nos jeunes qui vivent des difficultés d’apprentissage et de langage, ça en fait vraiment beaucoup ! (C’est d’ailleurs le cas pour la majorité des gens, mais c’est un encore plus grand défi pour ces jeunes.)

2. L’orthographe

Maintenant qu’on a pas mal fait le tour de tout ce qui touche au contexte, parlons de l’orthographe. 

Oui, la fameuse orthographe lexicale ! Ça, c’est tout un univers à explorer. Ici encore, on a la tête pleine de questions. Par exemple :

  • Est-ce que le mot « ineffable » prend 2 « F » ou seulement qu’un ?
  • Comment on écrit le mot « impitoyable » ? Si j’y vais son par son, est-ce que ça va m’aider à l’orthographier ? Sinon, comment le chercher dans le dictionnaire ?
  • Est-ce que le mot « évènement » s’écrit avec 2 accents aigus, ou 1 accent aigu et un accent grave ? (Psst… pour ce mot, les 2 versions sont acceptées. 😉)
  • Est-ce que le mot a une lettre silencieuse à la fin, comme « T » ou « D » (ex. « mangeront » ou « crapaud ») ? 
  • Est-ce que le mot s’accorde en genre et en nombre ? Si oui, est-ce que je dois mettre un « S » ou un « X » à la fin quand c’est au pluriel ?
  • Est-ce que le mot fait partie des homophones (ex. « ver », « verre », « vert »…) Si oui, est-ce que j’utilise la bonne orthographe ?
  • Si c'est un mot composé, est-ce que je dois l’écrire sans espace ni trait d’union (ex. « portefeuille »), avec un trait d’union (ex. « arc-en-ciel ») ou séparé (ex. « salle à manger » ?

Pour en savoir plus sur l’orthographe, je t’invite à consulter l’épisode 41 de L’orthophonie simplement, intitulé « Trucs pour aider son enfant à mieux orthographier les mots ». 

3. La grammaire

Enfin, j’arrive à la grammaire !

La grammaire, c’est quoi exactement ?

En fait, la grammaire, c’est l’ensemble des règles et des principes qui régissent la structure d’une langue. En français, elle englobe plusieurs aspects fondamentaux qui structurent l’expression orale et écrite. 

En voici quelques exemples :

Les parties du discours

La grammaire française comprend huit catégories de mots, appelées parties du discours, qui ont chacune leur fonction :

  • Le nom (ou substantif) : il désigne les personnes, les lieux, les choses, ou les idées (ex. « Lorianne », « Paris », « papier », « liberté »).
  • Le pronom : il remplace un nom pour éviter sa répétition (ex. « elle », « leur », « cela »).
  • L’adjectif : il qualifie un nom pour en préciser ou en modifier le sens (ex. « beau », « horrible », « vert »).
  • Le verbe : il exprime une action ou un état (ex. « marcher », « mourir », « sembler »).
  • L’adverbe : il modifie un verbe, un adjectif ou un autre adverbe (ex. « rapidement », « ici », « demain », « beaucoup », « heureusement »).
  • La préposition : elle introduit un complément et exprime des relations entre les mots (ex. « dans », « avant », « avec », « à cause de »).
  • La conjonction : elle relie les mots ou les groupes de mots (ex. « et », « parce que »).
  • L’interjection : elle exprime une émotion ou une réaction spontanée (ex. « oh ! », « oups ! »).
La syntaxe

C’est la partie de la grammaire qui étudie la façon dont les mots se combinent pour former des phrases cohérentes et compréhensibles. Elle inclut l’ordre des mots, la construction des phrases, les types de phrases, et l’emploi des différents modes et temps.

Par exemple, si on dit « l’enfant joue », c’est simple et clair. Mais à moins de s’appeler Yoda, on ne dirait pas « joue l’enfant ». 😂 Ça ne respecterait pas les règles de la syntaxe. 

La morphologie

La morphologie concerne la structure des mots et leur formation. Ça inclut la flexion des noms, des verbes, des adjectifs, et des pronoms pour exprimer le genre, le nombre, le temps, l’aspect, la personne, le cas, etc.

Pour faire simple, c’est comme déguiser les mots pour montrer s’ils sont au singulier ou au pluriel, ou s’ils parlent d’aujourd’hui, d’hier ou de demain. Par exemple, « chat » parle d’un seul animal, mais si on écrit « chats », on sait qu’il y en a plusieurs. Pour les verbes, « je parle » montre que c’est moi qui parle maintenant, et « nous parlions » montre que c’était nous qui parlions avant.

Les accords

La grammaire française est particulièrement attentive aux accords en genre (masculin/féminin) et en nombre (singulier/pluriel). Ça s’applique aux accords des verbes avec leurs sujets, des adjectifs avec les noms qu’ils qualifient, et des participes passés, qui dépendent souvent de l’auxiliaire utilisé et du placement des compléments d’objet.

Je ne veux pas te mêler (ou te mêler encore plus, si c’est déjà le cas 😬), mais voici un résumé des règles sur les accords :

  • Les verbes s’accordent en nombre et en personne avec le sujet (ex. « l’orthophoniste dort »/« les orthophonistes dorment »).
  • Les adjectifs s’accordent en genre et en nombre avec le nom qu’ils qualifient (ex. « professionnel heureux »/« professionnelle heureuse »/« professionnels heureux »/« professionnelles heureuses »). 
  • Les participes passés avec « être » s’accordent avec le sujet (ex. « Elle est allée au marché. » Le participe passé « allée » s’accorde en genre et en nombre avec le sujet féminin singulier « elle ».)
  • Les participes passés avec « avoir » s’accordent avec l’objet direct si celui-ci est placé avant le verbe (ex. « Les gâteaux qu’elle a mangés étaient délicieux. » On accorde le participe passé « mangés » avec « les gâteaux », qui est placé avant le verbe.)
  • Les participes passés avec « avoir » ne s’accordent PAS avec l’objet direct si celui-ci est placé APRÈS le verbe (ex. « Elle a mangé les gâteaux. » On ne fait pas d’accord parce que « les gâteaux » est après le verbe.)

Il y a aussi la règle avec le participe passé « avoir » et le complément d’objet indirect, mais je vais t’épargner. 😌

La conjugaison

La conjugaison, c’est l’ensemble des formes que peut prendre un verbe selon la personne, le nombre, le temps, le mode (indicatif, subjonctif, impératif, etc.), et la voix (active, passive, ou pronominale).

Plus les jeunes vieillissent, plus les exigences sont complexes en ce qui concerne la conjugaison. 

Des fois, les jeunes du secondaire que je rencontre doivent écrire des textes au passé simple. Le passé simple, ce n’est pas évident. C’est un temps de verbes qu’on n’utilise pas beaucoup à l’oral. Donc, les jeunes qui ne sont pas beaucoup exposés aux textes écrits, ils vont trouver difficile le concept d’écrire au passé simple. 

Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, mais tout ça pour dire que la conjugaison, ça peut être assez complexe !

Les fonctions grammaticales

Les fonctions grammaticales définissent le rôle des mots ou des groupes de mots dans la phrase : sujet, verbe, complément d’objet (direct ou indirect), complément circonstanciel (de temps, de lieu, de manière, etc.), attribut du sujet, etc.

Un petit résumé de ces fonctions si jamais tu trouves que tes cours de français sont un peu loin :

  • Le sujet : le mot ou groupe de mots qui fait l’action ou de qui on parle (ex. dans la phrase « l’enseignant chante », « l’enseignant » est le sujet qui fait l’action de chanter).
  • Le verbe : le mot qui exprime l’action ou l’état du sujet (ex. dans la phrase « les enfants jouent dans le parc », « jouent » est le verbe qui décrit ce que font les enfants).
  • Complément d’objet direct (COD) : reçoit directement l’action du verbe sans préposition (ex. dans la phrase « elle lit un livre », « un livre » est le COD qui reçoit directement l’action de lire).
  • Complément d’objet indirect (COI) : introduit par une préposition, indique à qui/à quoi ou de qui/de quoi l’action est faite (ex. dans la phrase « Caleb parle à sa sœur », « à sa sœur » est le COI qui indique à qui le sujet (Caleb) parle).
  • Complément circonstanciel : donne des informations supplémentaires sur l’action comme le lieu (ex. « à Montréal »), le temps (ex. « demain »), la manière (ex. « soigneusement »), etc.
  • Attribut du sujet : complément qui est relié au sujet par un verbe d’état et qui le qualifie ou l’identifie (ex. dans la phrase « le ciel est bleu », « bleu » est l’attribut qui qualifie le sujet, « ciel »). 

Ces fonctions grammaticales sont essentielles pour comprendre la structure des phrases et la relation entre les mots.

Alors, quand on combine tous ces éléments, ça fait pas mal de choses à vérifier lorsqu’on rédige un texte ! 

Plus on écrit, plus que, éventuellement, l’application des règles grammaticales devient automatique. Mais pour les jeunes qui connaissent des défis d’apprentissage ou de langage, les différentes étapes qui sont impliquées dans la rédaction peuvent être tellement difficiles qu’ils deviennent en « surcharge cognitive ». En anglais, on dirait qu’ils sont vraiment overwhelmed.

Et cette surcharge, elle mène souvent à des erreurs. Pas parce que les jeunes ne connaissent pas les règles grammaticales ou orthographiques, mais parce qu’ils ont trop d’éléments à gérer en même temps.

C’est comme si tu essayais de répondre à un texto de ton amie pendant que tu parles au téléphone avec ton conjoint, que tu cuisines un gâteau opéra, que tu jongles 4 balles en même temps, que tu cours un marathon et que tu essaies un tutoriel de maquillage pour les yeux !

En essayant de faire toutes ces choses en même temps, c’est sûr que tu commettrais des erreurs. Ton gâteau opéra aurait peut-être du sucre au lieu du sel, tu échapperais des balles, ton look de maquillage ne serait pas tout à fait comme dans la vidéo YouTube…  

Bref ! Exemple un peu exagéré, mais tu comprends le principe. 😅

Un jeune qui a des difficultés au niveau des apprentissages ou du langage, il doit réfléchir à chaque étape de rédaction. Ce n’est pas automatique. 

Supposons que je demande à ce jeune, dans un contexte de dictée, d’écrire la phrase « les pirates impitoyables ont abordé sans avertissement le navire marchand à la tombée de la nuit. »

Premièrement, ce jeune sera concentré à bien orthographier les mots. C’est ça le but d’une dictée, en fait !

Mais le jeune risque d’être tellement concentré à essayer de bien orthographier les mots (« impitoyable », ça s’écrit avec un « M » ou un « N » ?), qu’il sera sûrement trop débordé pour s’occuper de la conjugaison des verbes, pour faire les accords…

Donc, s’il réussit à trouver comment orthographier « impitoyable », c’est super ! Mais ça aura probablement pris tellement de jus mental (de « l’énergie cognitive ») qu’après ça, le jeune sera kaput. Oublie le fait de mettre un « S » à « impitoyables » parce qu’il se trouve dans le groupe du nom « les pirates » ! Oublie le fait de conjuguer le participe passé « ont abordé » ! Oublie le fait d’orthographier des mots comme « avertissement », « navire », « marchant », « tombée » ! Peut-être même que le point à la fin de la phrase va prendre le bord.

Pas parce que le jeune ne sait pas que chaque phrase a besoin d’une marque de ponctuation à la fin. C’est juste parce que pour lui, toutes les étapes qui sont impliquées dans l’écriture de cette phrase, c’est TROP. Juste trop. 🤯

Et tu sais quoi ? Dans cet exemple, on parle d’une dictée ! Le jeune n’a pas à réfléchir au contexte de ce qu’il écrit, de structurer une phrase, de choisir des mots dans son vocabulaire… Tout ça, c’est déjà fait ! 

Alors, imagine comme ce serait difficile pour ce jeune de rédiger un texte au complet from scratch.

Vraiment, chapeau à ces jeunes qui font de gros efforts malgré leurs difficultés !

Mais est-ce qu’on peut les aider ? 🤔

2 conseils concernant la grammaire

Voici 2 conseils pour simplifier la tâche d’écriture pour les jeunes, surtout en ce qui concerne la grammaire : 

1. La correction en étapes

Mon premier conseil pour éviter que les jeunes se découragent devant une tâche d’écriture, c’est de corriger leurs textes en étapes.

Je les encourage toujours à y aller un pas à la fois, comme quand on suit une recette. Si tu essaies de faire un gâteau opéra et que tu tentes de faire à la fois la préparation à gâteau, la crème au beurre de café, la ganache et le glaçage au chocolat, tu risques de perdre le fil. Mais en y allant étape par étape, ce sera plus facile de t’assurer que chaque élément du gâteau est délicieux. Je pense que j’ai faim, je n’arrête pas de revenir sur le gâteau opéra ! 😍😂

Avant que je commence à saliver, je vais te donner un exemple de correction de texte en étapes. Le but, c’est d’y aller un point à la fois. Si la réponse à la question est « oui », on passe à la prochaine étape. Si c’est « non », on révise !

  • Premièrement, est-ce que chacune de mes phrases commence par une majuscule ? 
  • Ensuite, est-ce que chacune de mes phrases se termine par une forme de ponctuation (un point, un point d’exclamation, un point d’interrogation, etc.) ? Est-ce que j’utilise la bonne forme de ponctuation pour chaque phrase, ou je me trompe (ex. « Cassandre, as-tu mangé ! » devrait être « Cassandre, as-tu mangé ? »).
  • Après, quels sont mes groupes du nom ? Est-ce qu’ils sont bien accordés ? (Tu peux même séparer cette étape en d’autres petites étapes, comme vérifier le pluriel des mots, le genre des mots, etc.)

Je pourrais continuer cette liste pendant des heures, mais je suis sûre que tu as catché le concept.

2. Bien comprendre les constituants de la phrase

L’autre chose que je recommande, c’est de bien comprendre les constituants de la phrase.

On en a parlé tantôt, en fait. Tu t’en souviens ? J’ai mentionné qu’en français, il y a différents types de mots, comme les noms, les pronoms, les adjectifs, etc.

Pour illustrer, je vais employer la phrase « les redoutables pirates attaquèrent cette ville isolée ». (Oui, j’aime les pirates, apparemment ! 😆)

« Redoutable », c’est un adjectif pour le mot « pirates ». Mon adjectif va s’accorder au pluriel parce qu’on parle de plus d’un pirate redoutable. 

Les « redoutables pirates », c’est un groupe du nom. C’est aussi le sujet de ma phrase. Le verbe s’accorde avec le sujet.  

« Attaquèrent », c’est mon verbe. Et dans cette phrase, ce verbe est conjugué au passé simple.

Bref ! Quand on segmente une phrase comme ça, ça peut vraiment aider à bien la corriger. 

C’est vrai, les jeunes n’aiment souvent pas faire ça. Ils me disent : « ah Lorianne, je vais juste relire ma phrase ». Mais relire une phrase, ce n’est pas suffisant pour bien la corriger. Il faut la relire avec une intention de correction, se poser des questions, etc. Si on montre aux jeunes toute l’utilité de cette technique, ils vont sûrement apprendre à l’apprivoiser. 

Et qui sait ? Peut-être qu’un jour, tout ce processus sera automatique pour eux !

Le mot de la fin 

Ouf ! Tout un sujet aujourd’hui, hein ?

J’espère que je n’ai pas trop perdu… Je me suis un peu emportée parce que je trouve que c’est un sujet dont on ne parle pas souvent, dont on ne parle pas assez. 

Pour moi, tout ce dont j’ai parlé dans cet épisode, c’est une partie essentielle des habiletés en langage écrit. Donc oui, naturellement, j’évalue tous ces aspects dans mes évaluations de la lecture et de l’écriture !

En fait, pour les enfants de 12 ans et plus, je recommande très souvent (pour des difficultés langagières ou d’apprentissage) l’évaluation du langage oral ET écrit. Parfois, les parents me demandent pourquoi, et je leur explique que même si l’enfant semble rencontrer des difficultés surtout en ce qui concerne le langage oral (ex. un TDL), c’est très possible que ces difficultés se manifestent à l’écrit !

Pour en savoir plus, tu peux consulter l’épisode 78, qui aborde les différents défis qui sont souvent associés au trouble développemental du langage (TDL).

Si tu es parent et que tu as un enfant ou un ado qui a des défis en lien avec le langage écrit, je t’encourage à prendre un peu de temps avec lui pour discuter de l’importance de l’orthographe et de la grammaire. 

Petite blague comme ça pour illustrer mon point : la grammaire, ça peut sauver ta grand-mère ! Eh oui, comme dans la phrase « mangeons grand-maman » VS « mangeons, grand-maman ». Ici, la virgule fait la différence entre du cannibalisme et un enfant qui est un peu impoli, mais qui ne semble pas avoir d’intention meurtrière. 😂

Autre chose à retenir de ce texte : pour éviter la surcharge mentale, les jeunes peuvent réviser leur texte en étapes et s’assurer de bien comprendre les constituants de la phrase. Ils doivent aussi être en mesure de respecter le contexte de leur tâche d’écriture.

Et, parlant de tout ça, j’ai une petite annonce à faire ! Dans les prochains mois, je vais travailler sur une toute nouvelle formation en lien avec le langage écrit. Je vais commencer au tout début, avec l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, puis je vais parler de la conscience phonologique, des correspondances entre les lettres et les sons, de l’orthographe des mots, de la rédaction, de stratégies de lecture, etc. Cette formation va vraiment faire le tour du langage écrit et des apprentissages (je vais me rendre jusque vers le milieu de l’adolescence, à peu près).

La formation sera offerte à partir du mois de mars, donc reste à l’affût ! 

Pour ne rien manquer concernant cette formation et mes autres projets à venir, tu peux t’abonner à mon infolettre, me suivre sur Instagram (@lorianne_orthophoniste) et sur Facebook, ou m’écrire un courriel (info@loriannelacerte.ca).

En attendant, vas donc écrire le texte de 500 mots sur l’âge d’obtention du permis de conduire. Allez, chop chop ! 

(LOL… je niaise ! 😂)

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Les productions écrites : pourquoi sont-elles souvent un grand défi pour les jeunes ayant des difficultés d’apprentissage ou de langage ? | L’orthophonie simplement - épisode 79
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